Luxembourg

[LU] Proposition au Parlement d'un projet de loi de mise en œuvre du règlement sur les services numériques

IRIS 2023-10:1/24

Mark D. Cole

Institut du droit européen des médias

Le 8 septembre 2023, le Gouvernement luxembourgeois a convenu d'une loi portant mise en œuvre du règlement sur les services numériques (DSA) de l'Union européenne. Il a ensuite confié au ministère de l'Économie le soin de soumettre le projet de loi à la Chambre des députés le 14 septembre 2023. Ce texte définit les dispositions nécessaires en droit luxembourgeois pour la transposition du règlement européen sur les services numériques (DSA) concernant les parties du règlement qui reposent sur des dispositions nationales supplémentaires. Le DSA instaure des règles harmonisées pour un environnement en ligne sécurisé afin de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur des « services intermédiaires » et de conserver les régimes de responsabilité dont bénéficient les intermédiaires tout en précisant les exigences particulières en matière de vigilance pour certains types de fournisseurs de services intermédiaires, parmi lesquels les plateformes en ligne. Le DSA impose des obligations plus strictes aux « très grandes plateformes en ligne » (VLOP) et aux « très grands moteurs de recherche en ligne » (VLOSE) ; une première liste de ces fournisseurs a été établie par la Commission européenne le 25 avril 2023 (voir IRIS 2023-5:1/2). La déclaration relative à l'objectif du projet de loi fait remarquer que l'un d'entre eux est établi au Luxembourg (Amazon), mais il convient de noter que ce fournisseur a contesté son inscription sur cette liste devant le Tribunal de l'Union européenne.

L’une des principales mesures nationales à prendre est la désignation d'un coordinateur des services numériques (« DSC »), qui doit être effectuée et notifiée à la Commission européenne au plus tard le 17 février 2024, date à laquelle le DSA entrera pleinement en vigueur. À cette date, le projet de loi devrait également avoir été promulgué et être pleinement applicable le jour même. Le projet de loi confirme la désignation de l'Autorité de la concurrence en qualité de DSC national au titre de l'article 49(1) du DSA. Le Gouvernement avait déjà pris cette décision de principe le 3 février 2023 et a fait valoir qu'au vu de la brièveté du délai, il a adopté une « approche pragmatique » en choisissant une autorité nationale déjà existante, à savoir celle qui est déjà chargée du suivi des dispositions du règlement P2B (Platform to Business) et du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Acts – DMA), dans le but de faciliter une application cohérente des différentes dispositions applicables aux plateformes. Dans la mesure où la véritable charge de travail de l'autorité reste imprécise aux yeux du Gouvernement - une évaluation interne indique qu'environ 250 plateformes devraient relever du contrôle du DSC luxembourgeois - le projet de loi prévoit que des modifications pourraient intervenir à l'avenir, à l'issue d'une évaluation de la loi dans les deux ans après son entrée en vigueur.

Le projet de loi comporte un tableau explicatif qui détaille les dispositions du DSA qui sont mises en œuvre par telle ou telle disposition du projet de loi et celles pour lesquelles aucune mise en œuvre n'est nécessaire ; des explications sont également données sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime qu'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures pour ces dispositions en particulier.

Si le projet de loi est adopté par la Chambre des députés tel que proposé, l'autorité de la concurrence sera chargée d'assurer le contrôle et l'application au Luxembourg de tous les aspects réglementaires relatifs au DSA. Par conséquent, le projet de loi comporte également les procédures nécessaires à l'utilisation effective des pouvoirs et procédures prévus par l'article 49, conformément à l'article 51(6) du DSA. Il comprend par ailleurs une disposition qui garantit l'indépendance de l'autorité lorsqu'elle agit en qualité de CSD. Les explications du projet de loi précisent que les compétences des autres autorités nationales existantes chargées de contrôler les infractions commises par les plateformes dans des domaines spécifiques, telles que l'autorité de contrôle de la protection des données ou les services répressifs en matière de contenus terroristes ou de contenus pédopornographiques, sont maintenues, mais que la fonction de coordination constituera la priorité du DSC.

Le chapitre 3 du projet de loi détaille les pouvoirs et les procédures du DSC, y compris la compétence de recevoir et de traiter les plaintes et la possibilité de demander au fournisseur de services de lui communiquer des informations sur des problèmes de non-conformité. Les pouvoirs d'inspection de l'autorité de la concurrence et sa compétence pour procéder à des entretiens avec les parties concernées sont précisés et ses pouvoirs décisionnels en matière de respect de la réglementation sont énoncés. Sur ce dernier point, les procédures internes de l'autorité sont également spécifiées. Le chapitre 4 concerne les sanctions qui peuvent être infligées aux fournisseurs de services qui ne respectent pas la réglementation, ce qui correspond à l'exigence énoncée à l'article 52 du règlement sur les services numériques. Les chapitres suivants du texte présentent les droits procéduraux des fournisseurs qui font l'objet d'une enquête, y compris le transfert de compétence au tribunal administratif. La coopération avec d'autres DSC et avec la Commission européenne, ainsi que la participation au Comité européen des services numériques, sont également définies dans le projet de loi.   

Parallèlement à l'introduction de ces dispositions dans une nouvelle loi visant à transposer le DSA, et compte tenu de l'insertion dans le DSA de clauses d'exemptions de responsabilité pour les intermédiaires, qui constituent par conséquent une réglementation directement contraignante, les dispositions équivalentes de la loi luxembourgeoise relative au commerce électronique du 14 août 2000 ont été abrogées et les dispositions institutionnelles de la loi relative à la concurrence du 30 novembre 2022 ont été modifiées par le projet de loi.  


Références


  • Projet de loi portant mise en œuvre du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) et portant modification de la loi modifiée du 14 août 2000 sur le commerce électronique et la loi modifiée du 30 novembre 2022 relative à la concurrence
  • https://wdocs-pub.chd.lu/docs/exped/0142/073/284731.pdf

Liens

IRIS 2023-5:1/2 DSA : la Commission européenne dresse une première liste de très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche

Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.