Chypre

[CY] La législation portant modification de la loi relative à la radio et à la télévision permet à une personne physique ou morale de détenir 100 % du capital social du titulaire d'une licence

IRIS 2023-9:1/13

Christophoros Christophorou

Expert du Conseil de l’Europe dans les domaines des médias et des élections

La modification de la loi relative aux organisations de radio et de télévision a supprimé le plafond de 25 % de participation au capital d'un titulaire de licence radiophonique ou télévisuelle, ce qui permet désormais à une personne, physique ou morale, de détenir 100 % des parts du capital d'un titulaire de licence.

Cette modification avait été présentée en septembre 2021 dans le cadre d'une proposition de loi d'un député du Parti démocratique - DIKO (Δημοκρατικό Κόμμα - ΔΗΚΟ). Cette proposition de loi, reprise dans IRIS 2021-10:1/18, a été modifiée et reformulée en mai 2023 alors que la question était examinée par la commission parlementaire compétente et avant qu'elle ne soit présentée en session plénière à la Chambre des représentants. La loi a été votée le 13 juillet 2023 et publiée au journal officiel le 28 juillet 2023.

Les principales modifications apportées par cette loi sont les suivantes :

- Le plafond de participation au capital, fixé à 25 % en 1998, lors de l'adoption de la loi fondamentale, est supprimé. Toute personne, physique ou morale, peut désormais détenir ou contrôler 100 % des droits de vote, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une société.

- Le plafond de 25 % du capital social détenu par des personnes ayant des liens de parenté jusqu'au deuxième degré est également supprimé et la disposition est conservée avec un plafond de 100 %, ce qui se révèle totalement redondant.

- Un citoyen ou une société d'un pays tiers peut détenir ou contrôler jusqu'à 10 % du capital social, après décision du Conseil des Ministres. La participation totale de citoyens de pays tiers pourra représenter jusqu'à 25 % du capital de la société.

- Les dispositions interdisant la propriété croisée, la propriété verticale ou l'actionnariat sont abrogées.

- La modification prévoit désormais qu'une personne, physique ou morale, ne peut « être titulaire d'une licence ou d'un nombre quelconque d'actions d'un titulaire de licence détenu par un groupe de médias, ou en avoir le contrôle, si cette personne possède des parts ou exerce une influence sur une licence ou détient des actions d'un titulaire de licence appartenant à un autre groupe de médias ».

- La disposition précitée offre une certaine marge de manœuvre pour la propriété croisée des médias, à condition toutefois que la licence d'un média ne soit pas associée à un groupe de médias.

- Les dispositions qui fixaient des restrictions applicables aux membres des organes de direction des titulaires de licences, et interdisaient la participation d'une même personne ou de plusieurs personnes au capital de plus d'une licence, ont été supprimées.

- Cette modification permet désormais à une ou plusieurs personnes qui ne détiennent pas ou ne contrôlent pas de participation dans des licences de présider ou d'être membres de plus d'un média.

- De nouvelles restrictions sont instaurées afin d'interdire l'octroi d'une licence de services de médias audiovisuels à toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation pour des infractions spécifiques. Il s'agit notamment des personnes :  

• qui sont associées au blanchiment d'argent ou dont les revenus sont issus d'activités illégales ;

• qui auraient des dettes à l'égard de la Caisse d'assurance sociale ;  

• qui sont débitrices de l'administration fiscale (impôt sur le revenu ou TVA) ;

• qui ont été condamnées pour harcèlement sexuel ou intimidation.

- Enfin, un « soupçon raisonnable » de risque pour l'intérêt général ou la sécurité nationale peut entraîner le refus de l'octroi d'une licence. Ici, il ne s'agit nullement d'une obligation de preuve, mais simplement d'un « soupçon raisonnable ».

Cette importante modification de la législation a été adoptée sans aucune étude préalable, sans aucune consultation, publique ou ad hoc, et sans la participation de l'ensemble des parties prenantes. La commission parlementaire compétente a invité de manière ciblée certaines parties prenantes, mais aucun représentant des consommateurs, d'ONG spécialisées ou d'experts.

 


Références

  • Ο περί Pαδιοφωνικών και Τηλεοπτικών Οργανισμών (Τροποποιητικός) Νόμος 87(Ι)/2023, Επίσημη Εφημερίδα, Παράρτημα 1(1), αρ. 4957, 28 Ιουλίου 2023
  • http://www.cylaw.org/nomoi/arith/2023_1_087.pdf
  • Loi portant modification de la loi relative aux organisations de radio et de télévision, L. 87(I)/2023, Journal officiel, annexe 1(1), n.4857, 28 juillet 2023

Liens

IRIS 2021-10:1/18 [CY] Proposition législative visant à abolir les restrictions en matière de propriété des médias

Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.