Malte

[MT] Un tribunal inflige une amende au radiodiffuseur de service public et à l'autorité maltaise de la radiodiffusion.

IRIS 2022-8:1/23

Pierre Cassar

Université de Malte

Le tribunal civil de première instance, siégeant dans sa juridiction constitutionnelle, a rendu son jugement dans une affaire qui opposait le parti nationaliste au radiodiffuseur de service public à l'autorité maltaise de la radiodiffusion.

Le parti nationaliste avait demandé réparation à la justice à la suite de la décision prise par l’autorité de régulation d’ordonner au radiodiffuseur public de concéder un droit de réponse à la partie demanderesse à la suite d'un reportage dans un magazine, jugé trop politique par essence et justifiant une réaction du parti de l'opposition.

En dépit de cette décision, le radiodiffuseur public avait refusé de diffuser le droit de réponse et ce n'est qu'après que le parti nationaliste ait déposé une deuxième plainte auprès de l’Autorité de la radiodiffusion que le radiodiffuseur public avait finalement accepté sa diffusion. La chaîne s’était également vu infliger une amende administrative de 4 660 EUR, telle que prévu par la loi relative à la radiodiffusion. Cette amende avait toutefois été suspendue après la diffusion du droit de réponse en question.

Le parti nationaliste demandait à la justice de déclarer qu’il avait été porté atteinte à ses droits constitutionnels du fait du délai de diffusion particulièrement long de son droit de réponse. Le tribunal lui avait donné raison et avait condamné le radiodiffuseur de service public et l’Autorité de la radiodiffusion pour manquement à leurs obligations constitutionnelles.

Compte tenu du fait qu'à Malte, le radiodiffuseur de service public jouit d'une position dominante et que sa chaîne principale est la plus populaire de l'île, le tribunal a rappelé qu’il importait qu’une telle chaîne, dont l'audience est maximale à l'heure des actualités, diffuse « des informations impartiales et exactes, ainsi qu'un éventail d'opinions et de commentaires qui illustrent les diverses opinions politiques du pays ».

Le tribunal a observé que cette affaire s'est déroulée alors qu'une élection générale était imminente et que le temps d’antenne était par conséquent compté. Le juge a fait remarquer dans sa décision que l'Autorité de la radiodiffusion n’était pas parvenue à garantir l'impartialité « avec la diligence et la proactivité nécessaires dans le domaine de la radiodiffusion, notamment à un moment où des rumeurs tenances et des indices concrets laissaient entendre qu'une élection générale était imminente - comme c'était le cas dans les faits ».

Le radiodiffuseur public avait également été critiqué pour son refus de se conformer à une directive émise conformément à la loi par l’autorité de régulation. Le tribunal a fait remarquer que le radiodiffuseur public aurait pu aisément diffuser le droit de réponse et demander un contrôle judiciaire de l'affaire à un stade ultérieur.

Parallèlement, un second grief qui avait été porté à l'attention du tribunal par le parti nationaliste dans la même affaire n'avait pas été retenu par le juge, dans la mesure où le parti n'avait pas saisi le régulateur de cette deuxième plainte. Ce grief portait sur une série de publicités à caractère politique qui avaient été diffusées sur la principale chaîne publique à l'occasion du vote du budget pour 2022. Le parti nationaliste avait obtenu une réparation sous la forme de spots publicitaires similaires diffusés sur la télévision nationale, mais la partie demanderesse affirmait que l’impact de ces publicités était totalement annihilé puisqu’elles étaient « prises en étau » entre des messages d’information du Gouvernement.  

Le radiodiffuseur public et l’Autorité de la radiodiffusion ont été condamnés au versement d’une amende de 1 500 EUR chacun. L’Autorité de la radiodiffusion a depuis fait appel de ce jugement, dont l'issue est toujours en instance.


Références


Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.