Allemagne

[DE] Réforme de l’aide à la production cinématographique en Allemagne : la BKM présente un projet de loi.

IRIS 2024-4:1/21

Dr. Jörg Ukrow

Institut du droit européen des médias (EMR), Sarrebruck/Bruxelles

Le 12 février 2024, Claudia Roth, Bundesbeauftragte für Kultur und Medien (déléguée fédérale à la Culture et aux Médias - BKM), a présenté le projet de loi portant modification de la Filmförderungsgesetz (projet de loi d'aide à la production cinématographique - FFG-E). Ce projet de réforme vise à accroître l’efficacité et la transparence des dispositifs d’aide tout en réduisant les lourdeurs bureaucratiques.

La première des six parties du projet de loi définit la structure et l’organisation de la Filmförderungsanstalt (Agence de promotion cinématographique - FFA). Conformément à l’article 1, paragraphe 1 du projet de loi, la FFA, qui revêt la forme juridique d’un organisme fédéral de droit public, assure le soutien à la production cinématographique allemande à l’échelle nationale. Elle soutient la structure de l’industrie cinématographique allemande et la qualité créative et artistique du cinéma allemand pour garantir son succès en Allemagne et à l’étranger. Les missions de la FFA restent pour l’essentiel inchangées par la réforme. Le projet de loi précise que les conseils donnés au Gouvernement fédéral par la FFA doivent également porter sur les questions relatives aux développements technologiques ayant un impact sur l’industrie cinématographique et audiovisuelle, notamment les développements dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le texte du projet de loi dispose spécifiquement que la FFA doit s’efforcer de rendre l’industrie cinématographique et audiovisuelle plus durable sur le plan écologique.

En vertu de l’article 3 du FFG-E, la FFA continue, dans le cadre de sa mission, d’ocroyer des aides et de participer à d’autres organismes dans la mesure où la BKM donne son accord. La FFA peut également conclure des accords de coopération bilatéraux et multilatéraux avec des organismes étrangers de soutien au cinéma et avec les organismes d’aide au cinéma des Länder, afin de promouvoir des projets de films associant l’Allemagne et d’autre pays.

Conformément à l’article 4 du FFG-E relatif aux prestations réalisées pour d’autres organismes, l’ensemble des aides fédérales seront regroupées sous l’égide de la FFA et gérées par celle-ci à compter du 1er janvier 2025, c’est-à-dire à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Dans ce cadre, la FFA prendra en charge les mesures d’aide au cinéma et aux médias du Gouvernement fédéral contre remboursement des coûts. Cela concerne en particulier la reprise de « l’aide culturelle au cinéma » de la BKM, mais pourra également concerner la reprise d’autres aides aux médias, par exemple dans le domaine des jeux.

Conformément aux articles 5 à 25 du FFG-E, les instances de direction de la FFA restent le conseil d’administration, la présidence et le directoire. La composition du conseil d’administration doit refléter les développements actuels de l’industrie cinématographique, tout en conservant un nombre restreint de membres afin de garantir un fonctionnement efficace. Les membres du conseil d’administration sont nommés par la BKM pour cinq ans et ne sont soumis à aucune directive. Conformément à l’article 10, paragraphe 2 du FFG-E, le conseil d’administration décide, sur proposition du directoire, des subventions accordées conformément à l’article 3, paragraphe 2 du FFG-E, dans la mesure où le directoire n’est pas compétent en la matière. L’un des objectifs de la révision de la loi est d’attribuer à la présidence le rôle d’un simple organe de surveillance et de clarifier la répartition des tâches au sein de la FFA. Les décisions en matière de subvention, qui relevaient jusqu’à présent de la présidence, seront donc du ressort du directoire jusqu’à concurrence de 150 000 EUR et, au-delà de ce montant, du conseil d’administration. Pour ces décisions, le Conseil d’administration peut mettre en place des commissions de soutien, conformément à l’article 13 du FFG-E, et déléguer les décisions en conséquence. En revanche, les commissions de soutien permanentes prévues jusqu’à présent par la FFG sont supprimées. La présidence reste chargée du contrôle du directoire. Le directoire, composé en vertu de l’article 21 du FFG-E d’une seule personne avec au moins une personne suppléante, est nommé par le conseil d’administration pour un mandat de 5 ans et, à l’instar du personnel de la FFA, ne doit pas intervenir activement sur le marché. Conformément à l’article 22 du FFG-E, il doit mettre en œuvre les décisions du conseil d’administration et de la présidence et représente la FFA en justice et dans les procédures extrajudiciaires. L’article 38 du FFG-E a été ajouté en s’inspirant des dispositions habituelles régissant d’autres organismes de droit public. Il dispose que la FFA doit publier la rémunération versée au directoire et à la personne suppléante pour leurs activités au cours de l’exercice. Cela s’applique également aux rémunérations d’un montant non négligeable versées pour les activités annexes des personnes mentionnées.

Conformément à l’article 26, paragraphe 1 du FFG-E, la FFA doit nommer un comité consultatif sur la diversité. En vertu de l’article 30 du FFG-E, ledit comité conseillera la FFA en matière de diversité, d’inclusion et de non-discrimination. Entrent notamment en ligne de compte des mesures concernant la formation du personnel, les instances et les commissions de soutien, ainsi que les questions relatives à leur composition. En outre, le comité consultatif participe à la directive sur les incitations à développer la diversité.

En matière de soutien, l’article 46 du FFG-E vise à améliorer considérablement la mise en accessibilité des films subventionnés. À cette fin, le premier paragraphe de la disposition relative à la production de films subventionnés instaure l’obligation de produire le film dans toutes les versions finales en version accessible et de rendre cette version systématiquement accessible à tous les niveaux d’exploitation jusqu’à la première sortie du film. Cette obligation s’applique de façon identique à la distribution, mais uniquement pour les étapes auxquelles les droits d’exploitation ont été concédés à la société de distribution. En outre, l’octroi des aides à la numérisation des films est subordonné au fait qu’au moins une version finale du film soit produite en version accessible avant la première sortie en salle. En ce qui concerne la projection en salle des versions accessibles, les applications mobiles destinées à être lues sur les terminaux des utilisateurs se sont imposées. C’est pourquoi l’article 46, paragraphe 2 du FFG-E prévoit la possibilité de satisfaire à l’obligation de mise en accessibilité en proposant la version accessible d’une œuvre sur une application. Les applications numériques devront être accessibles au sens de l’article 4 de la Behindertengleichstellungsgesetz (loi sur la non-discrimination des personnes handicapées - BGStG)

Le soutien à la production cinématographique tel qu’il était prévu par la FFG est remanié en profondeur par les articles 61 et suivants du FFG-E. Désormais, il sera basé uniquement sur un dispositif de soutien automatique en fonction du succès qui se substituera aux procédures de sélection menées jusqu’à présent par une commission de soutien mise en place à cet effet. Le soutien à la production doit être lié au succès économique et culturel des films déjà produits et, de la sorte, récompenser automatiquement les producteurs de films à succès. L’aide automatique à la production doit être le seul instrument inscrit dans la FFG afin de pouvoir financer les nouveaux films de manière plus rapide et plus efficace. Grâce à la suppression de l’outil de sélection des projets subventionnés, l’aide automatique à la production devrait être mieux dotée financièrement. Par ailleurs, l’abaissement des seuils d’entrées devrait permettre d’élargir considérablement l’accès au soutien à la production, de sorte qu’à l’avenir, davantage de producteurs et productrices pourront en bénéficier. Dorénavant, les scénaristes et les réalisateurs et réalisatrices devront également bénéficier du succès des films écrits ou réalisés par leurs soins.

Pour des raisons d’efficacité en termes de gestion et de distribution et pour une meilleure visibilité de la part des candidats et candidates, l’aide à la distribution telle que la prévoit la FFG fait également l’objet d’une réforme en profondeur et devient, conformément aux articles 101 et suivants du FFG-E, une aide de référence exclusivement basée sur le succès, qui devrait être mieux dotée financièrement. En revanche, l’aide aux projets de diffusion ainsi que l’aide à la vidéo et à la distribution, qui existaient jusqu’à présent, devraient être supprimées. Néanmoins, afin de tenir compte malgré tout de l’importance du succès du cinéma allemand à l’étranger, des dispositifs de soutien alternatifs devront être élaborés hors du cadre de la FFG.

L’aide au cinéma prévue aux articles 113 et suivants du FFG-E correspond pour l’essentiel au système de soutien actuel des projets de cinéma. La principale modification dispose que, là aussi, la procédure de sélection des projets subventionnés ne sera plus menée par une commission. Une aide sera accordée si les conditions d’éligibilité sont remplies et si des fonds sont disponibles. De cette manière, l’aide au cinéma, bien qu’elle reste une aide aux projets, doit également développer un certain automatisme et se caractériser par un surcroît de transparence, d’efficacité et de prévisibilité.

La quatrième partie du FFG-E est consacrée au financement de la FFA. Conformément à l’article 121, paragraphe 1 du FFG-E, l’organisme continuera d’être financé essentiellement par le prélèvement d’une taxe cinématographique définie aux articles 122 et suivants du FFG-E et différenciée en fonction des différentes catégories de contribuables. En ce qui concerne les cinémas, le montant de la taxe ne sera plus établi en fonction du nombre d’écrans par établissement, mais calculé en fonction du nombre de salles, afin de mieux refléter la capacité financière des assujettis. La principale nouveauté porte sur la suppression de la clause de privilège en vertu de laquelle jusqu’à 40 % de la taxe cinématographique imputable aux différents types de radiodiffuseurs visés aux articles 130 à 132 de la FFG peuvent être versés sous forme de prestations médiatiques. Selon la BKM, l’importance croissante des services de VoD dans le flux des recettes et dans la promotion des films a créé une situation de concurrence directe entre ces services et les radiodiffuseurs, au regard de laquelle il n’est plus légitime qu’une catégorie de contribuables puisse remplacer une partie de la taxe par des prestations médiatiques et non pas l’autre. La BKM n’envisage pas pour autant d’instaurer un droit de substitution sous forme de prestations médiatiques pour ces deux catégories de contribuables, car cela créerait un profond déséquilibre entre la taxe versée par les cinémas d’une part et les prestations en espèces des radiodiffuseurs et des services de VoD d’autre part. La BKM estime que cela ne serait pas justifié, notamment si l’on considère l’essor de l’exploitation des œuvres cinématographiques dans le cadre du divertissement à domicile. Le bien-fondé des considérations de la BKM à cet égard est régulièrement remis en cause au regard du principe d’égalité inscrit à l’article 3, paragraphe 1 de la Grundgesetz (Loi fondamentale - GG).


Références


Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.