Slovénie

[SI] Le projet de loi slovène relative aux médias aborde les questions de transparence, de concentration des médias, de pluralisme, d'incitation à la haine et d'intelligence artificielle.

IRIS 2024-2:1/9

Deirdre Kevin

COMMSOL

Le 12 décembre 2023, le ministère slovène de la Culture a présenté pour consultation un projet de loi relative aux médias, qui vise à adapter la législation sur les médias actuellement en vigueur. La date limite de soumission d'observations sur le texte a été fixée au 31 janvier 2024. Cette nouvelle loi relative aux médias vise à se rapprocher de la future législation européenne sur la liberté des médias et de la législation sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne.

Les principales modifications concernent, notamment, le renforcement de la transparence en matière de propriété et de financement des médias au moyen d'une base de données centralisée, la simplification des procédures relatives aux fusions de médias, la réglementation de la publicité d'État, le recours accru aux aides d'État pour promouvoir le pluralisme des médias, la création d'un Conseil national des médias, la mise en place de dispositions relatives à la suppression des discours de haine et de mesures relatives à une labellisation systématique des contenus générés par l'intelligence artificielle.

Le texte étend la définition des médias (article 3) afin d'y intégrer : « les quotidiens et les revues et leurs versions électroniques, les programmes radiophoniques, les programmes télévisuels et tout autre service de médias audiovisuels, les portails de médias en ligne, les services des influenceurs en ligne, les radios en ligne, les podcasts, par exemple ». La définition de la publicité d'État et des publicités à caractère politique est également énoncée à l'article 3. Il propose également la création d'un nouveau Conseil national des médias qui viendrait remplacer le Conseil national de la radiodiffusion (article 30). Cet organe d'experts indépendants aurait pour mission de protéger l'intérêt général dans les médias. Il serait composé de sept éminents experts ou responsables des médias proposés par le Gouvernement et nommés par l'Assemblée nationale. Les attributions de ce nouveau conseil consisteraient notamment à analyser la situation du pluralisme dans les médias, à émettre des avis sur la concentration de la propriété des médias, à examiner la législation relative aux médias et à établir des rapports annuels sur ces derniers.

S'agissant de la concentration des médias, seuls les quotidiens, la radio et la télévision font actuellement l'objet de restrictions en matière de propriété. Les nouvelles dispositions tiendront compte du marché des médias dans son ensemble, indépendamment du type de média (article 20). Les fusions seront soumises aux mêmes dispositions applicables aux acquisitions d'entreprises, et l'autorité de régulation examinera plus d'une douzaine de critères propres aux médias dans le cadre de son évaluation. Globalement, la loi interdirait toute concentration susceptible de constituer une menace pour l'intérêt général. L'Agence pour la protection de la concurrence sollicitera un avis préalable du Conseil national des médias sur l'évaluation des effets d'une concentration dans les médias sur l'intérêt général dans le secteur des médias (critère de l'intérêt général). Lorsque des programmes de radiodiffusion télévisuelle ou radiophonique ou des services de médias audiovisuels sont concernés, l'Agence pour la protection de la concurrence demande également un avis consultatif à l'Agence pour les réseaux et services de communication (AKOS).

En outre, les autorités compétentes devront créer une base de données qui regroupera les données collectées par plusieurs instances, dont le ministère des Finances et d'autres agences chargées des registres et des services de droit public. Cette base de données aura pour principal objectif de communiquer les noms des véritables propriétaires des médias (article 16). Elle comprendra également certaines informations sur le financement, telles que les recettes perçues au titre de fonds publics et de la publicité d'État. Pour ce qui est de cette dernière, la nouvelle loi reprend les principes de la législation européenne sur la liberté des médias (EMFA), qui exige une plus grande transparence de la publicité d'État. Les institutions publiques (ministères, agences, municipalités, etc.) devront par conséquent rendre compte régulièrement de toutes les dépenses liées aux médias : publicités, campagnes et autres locations d'espaces médiatiques.

Concernant les aides d'État et les fonds en faveur du pluralisme des médias, les nouvelles dispositions élargissent les types de projets susceptibles d'être financés, notamment la promotion de l'éducation aux médias, la transition numérique, le développement de contenus, de produits, d'outils et de canaux de distribution nouveaux, le journalisme scientifique, l'accès aux services de médias numériques et le soutien aux jeunes entreprises de médias (article 14). Un financement annuel équivalant à 4 % de la redevance du radiodiffuseur public RTV Slovenia sera consacré à ce type d'aide. Des critères d'exclusion stricts sont envisagés : les médias qui perçoivent déjà la majorité de leur financement par le biais de fonds publics ne seront pas éligibles à ce type d'aide, tout comme les médias contrôlés par des communautés locales ou des partis politiques. Pour en bénéficier, un média doit compter au moins trois salariés, à temps plein ou en freelance. Ils sont également soumis à des restrictions en cas de non-respect des dispositions interdisant l'incitation à la discrimination, à la violence et à la guerre, ainsi que l'incitation à la haine et à l'intolérance ; les médias qui ont été sanctionnés pour des infractions à la législation du travail seront également soumis à des restrictions en matière de demandes de financement.

L'article 34 prévoit des dispositions relatives à la suppression des discours de haine. Parallèlement, l'article 36 exige que les publications en ligne qui permettent des commentaires publics soient contraintes de préciser les conditions applicables aux commentaires et de les rendre disponibles et facilement accessibles. Ces conditions doivent préciser les dispositions relatives aux contenus illicites, y compris les discours de haine, et décrire la procédure de traitement des plaintes.

Le projet de loi prévoit par ailleurs de réglementer les contenus de médias générés par l'intelligence artificielle (IA), en exigeant que les contenus créés par l'IA générative soient clairement identifiables (article 49). Les médias auraient également l'obligation d'informer le public de la manière dont ils utilisent l'IA générative, et il leur serait interdit de publier des contenus générés par l'IA sans faire preuve de transparence. Le texte interdit les deep fakes, à l'exception des émissions humoristiques et satiriques, ainsi que des émissions pour la jeunesse et des programmes pédagogiques dont l'objectif est de renforcer l'éducation aux médias. Même dans ces cas, les deep fakes devraient être identifiés de manière appropriée.

Le projet de loi impose également une proportion obligatoire de musique slovène : les chaînes de télévision et les stations de radio devront diffuser au moins 20 % de musique en langue slovène, cette proportion passant à 25 % pour les stations de radio locales, étudiantes et à but non lucratif, et à 40 % pour le radiodiffuseur public RTV Slovenija (article 23).

 

 


Références



Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.