Pologne

[PL] Le droit de « révoquer » une licence ou une cession de droits au regard du projet de modification de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins

IRIS 2023-7:1/16

Marta Botiuk-Filip

L'obligation qui incombe à la Pologne de transposer la Ddirective (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE (Journal officiel de l'Union européenne L 130 du 17 mai 2019, page 92) (ci-après la « directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique »), a entraîné une modification de la loi polonaise relative au droit d'auteur et aux droits voisins.

Le projet de loi en question prévoit une importante modification des droits de l'auteur lorsque l'acquéreur des droits ou le titulaire de la licence ne distribue pas l'œuvre ou ne la met pas à la disposition du public. Cette évolution découle de la transposition dans le système juridique polonais, notamment, de l'article 22 de la directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique.

Ainsi, le nouveau texte précise que si l'acquéreur des droits patrimoniaux de l'auteur ou le titulaire d'une licence exclusive n'entreprend pas l'exploitation de l'œuvre dans un délai de deux ans à compter de la date du transfert des droits patrimoniaux de l'auteur ou de l'octroi de la licence, l'auteur pourra se retirer de l'accord ou en demander la résiliation. L'amendement proposé a été largement critiqué lors de la consultation publique. De nombreuses parties prenantes ont en effet estimé qu'il n'était pas acceptable de reformuler la disposition en cause et de remplacer le terme « distribution » par celui d'« exploitation ». Le terme « exploitation » est une notion relativement vaste et la formulation retenue par le législateur est particulièrement générale. En définitive, le législateur a accepté que la possibilité d'exercer le droit de retrait ou de résiliation soit subordonnée à l'absence de « distribution » de l'œuvre par l'acquéreur des droits ou le titulaire de la licence.

La disposition contestée de la loi polonaise relative au droit d'auteur et aux droits voisins (article 57) a également suscité une vive controverse quant à la manière dont elle permettait à l'auteur ou à l'artiste-interprète de conserver sa rémunération en cas de dénonciation ou de résiliation de l'accord par le créateur de l’œuvre. Compte tenu des observations formulées lors des consultations publiques, le législateur a décidé de conserver la réglementation en vigueur, laquelle permet de réclamer une double rémunération par rapport à celle prévue dans l'accord si l'absence de distribution de l'œuvre est imputable à des circonstances dont l'acquéreur des droits patrimoniaux ou le titulaire de la licence est responsable. Cette procédure vise à défendre les intérêts des créateurs et des artistes-interprètes, qui sont généralement les parties les plus vulnérables de l'accord. Il convient toutefois de noter que le créateur est libre de demander des dommages-intérêts en vertu des règles générales ou de percevoir une double rémunération.

Les œuvres d'une certaine nature seraient particulièrement menacées par cette modification consécutive à la transposition de l'article 22 de la directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique. Parmi ces œuvres figurent notamment les œuvres audiovisuelles qui, en raison de leur particularité, requièrent une attention et une approche très spécifiques. Il convient néanmoins de souligner que le législateur a confirmé que pour certaines catégories d'œuvres, les dispositions spécifiques relatives à l'acquisition des droits sur des œuvres utilisées dans une œuvre audiovisuelle resteront en vigueur et inchangées.


Références



Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.