Suisse

[CH] La population se prononce par référendum pour une modification de la loi sur le cinéma

IRIS 2022-6:1/2

Sebastian Zeitzmann

Institut du droit européen des médias

Avec une majorité de 58,42 % et plus de 40 % de participation, les électeurs suisses ont approuvé la modification de la loi fédérale sur la production et la culture cinématographiques (loi sur le cinéma, LCin) lors d'un référendum organisé le 15 mai 2022. Les modifications avaient déjà été adoptées par les législateurs suisses, le Conseil national et le Conseil des États en octobre 2021. L’initiative pour un référendum avait pour objectif de contrer la modification décidée, mais les électeurs en ont décidé autrement en votant majoritairement contre la question référendaire visant à annuler la modification de la loi.

La LCin prévoyait jusqu’à présent l’obligation pour les chaînes de télévision suisses d’investir 4 % de leur chiffre d’affaires dans la création cinématographique nationale, afin de contribuer à la sauvegarde de cette industrie. En revanche, les services de streaming n’étaient pas soumis à une telle obligation d’investir. Avec la modification de la LCin, qui a donc été confirmée par référendum, les services de streaming devront eux-aussi investir 4 % du chiffre d’affaires qu’ils réalisent en Suisse dans la création cinématographique suisse. Les services de streaming peuvent soit participer directement aux productions de films et de séries suisses qu’ils ont eux-mêmes sélectionnées, soit s’acquitter d’une taxe de remplacement qui viendra soutenir le cinéma suisse. Une obligation de quota est également instaurée. Selon cette disposition, les services de streaming doivent réserver 30 % de leur catalogue à des séries ou des films produits en Europe (mais pas nécessairement en Suisse). Les services de streaming sont privilégiés par rapport aux chaînes de télévision, qui restent soumises à un quota de 50 %. Ces mesures visent à réduire l'inégalité de traitement entre les chaînes de télévision et les services de streaming, à renforcer la création cinématographique nationale et à contribuer à la diversité culturelle de l'offre numérique. Les opposants à cette modification craignaient notamment que cela n’entraîne une augmentation des coûts d'abonnement aux services de streaming.

La Suisse n'étant pas membre de l’Union européenne, elle n'est pas couverte par le champ d’application de la Directive « Services de médias audiovisuels » (Directive SMA), ni soumise à une obligation de transposition de cette dernière; néanmoins, le quota de 30 % qui est prévu reprend des obligations similaires pour les États de l’UE en vertu de l'article 13 de la Directive SMA, modifié à cet égard par la Directive (UE) 2018/1808. La Directive SMA prévoit la possibilité d’imposer aux États membres une obligation de contribution financière à la promotion des œuvres européennes, de sorte que la Suisse se dote à cet égard d’une réglementation comparable. En effet, la plupart des États membres de l’Union européenne prévoient dans leur droit national des obligations d’investir ou le prélèvement de taxes dédiées au soutien de la production cinématographique.


Références


Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.