Malte

 [MT] L’interview télévisée du chef du parti politique d’opposition est réputée avoir été équitable et impartiale

IRIS 2021-5:1/18

Pierre Cassar

Université de Malte

Le 26 mars 2021, l'Autorité maltaise de la radiodiffusion a été amenée à se prononcer sur une plainte du Parti nationaliste, dont elle avait été saisie en vertu de l'article 34 de la loi relative à la radiodiffusion. Cet article précise que tout parti politique qui estime avoir été traité de manière inéquitable dans un programme télévisé, est en droit de déposer une plainte et de demander au régulateur d'intervenir.

La plainte en question concernait une émission d'actualité diffusée sur une chaîne de télévision du service public, qui consistait en une interview  individuelle avec le chef du parti d’opposition. Dans sa plainte, le Parti nationaliste (PN) affirmait que le journaliste et présentateur de l’émission avait délibérément opté pour une approche plutôt brutale dans la manière dont il avait posé ses questions au chef de l'opposition alors qu'il avait été bien plus indulgent à l’égard du Premier ministre dans une autre édition de cette émission, qui avait également été présentée par le même journaliste. Le Parti nationaliste soutenait par ailleurs que ce journaliste avait sciemment posé des questions controversées à l'invité et qu’il avait interprété un certain nombre de suppositions comme s’il s’agissait de faits avérés. Le Parti nationaliste demandait donc au régulateur de se prononcer en sa faveur et de décréter que l’émission en question constituait un exemple flagrant de partialité.

Compte tenu des restrictions actuellement en vigueur, l'Autorité de la radiodiffusion avait demandé aux parties au litige de présenter leurs observations dans le cadre d’une audience virtuelle qui s’est tenue le 11 mars 2021. Le secrétaire général du Parti nationaliste avait ainsi fait valoir dans ses observations que son Parti ne contestait pas le journalisme d’investigation, ni le droit des journalistes à poser des questions, mais qu’il s’agissait là d’un exemple flagrant de deux poids, deux mesures, puisque le chef de l'opposition avait été traité d’une manière bien différente que le Premier ministre par le même journaliste. Il indiquait en outre que même le ton et le comportement du journaliste avaient été radicalement différents au cours des deux émissions.  

Parallèlement, le radiodiffuseur de service public, représenté par son rédacteur en chef officiel et le président du comité de rédaction, a démenti ces allégations, tout en affirmant que les deux responsables politiques avaient été traités de la même manière, conformément à ce que prévoient la Constitution et les dispositions de la loi relative à la radiodiffusion. Le Premier ministre et le chef du parti d'opposition ont tous deux bénéficié d’un temps de parole identique au cours des deux éditions respectives de l’émission d’actualité.  

Après avoir procédé à l’examen des observations des deux parties, l'Autorité de la radiodiffusion a conclu que la plainte déposée par le Parti nationaliste n'était pas justifiée, dans la mesure où le radiodiffuseur de service public avait pris soin de diffuser deux éditions de cette même émission afin de pouvoir présenter une interview en tête-à-tête avec le Premier ministre, et une autre avec le chef du parti d'opposition. Elle a donc considéré que cette mesure respectait pleinement l’obligation d’équité et d’impartialité prévue par la loi.

La loi relative à la radiodiffusion précise en outre que les journalistes ont parfaitement le droit de poser des questions embarrassantes à leurs invités, et plus particulièrement encore dans le cadre d’une émission d'actualité. L’Autorité de la radiodiffusion a estimé que la série de questions, y compris les questions complémentaires, dépendaient des sujets abordés et qu’il n’était pas raisonnable d’imaginer qu’un journaliste pose les mêmes questions aux deux invités dans ces deux éditions distinctes de l’émission.  

En définitive, l'Autorité de la radiodiffusion a conclu que le demandeur, en l'occurrence le Parti nationaliste, ne pouvait prétendre à aucun motif de recours prévu par la loi. Dans sa décision, publiée sur son site internet et communiquée aux parties concernées, le régulateur maltais a conclu en rappelant l'importance pour les journalistes, en particulier ceux qui travaillent pour le radiodiffuseur de service public, de rechercher systématiquement à faire preuve d’intégrité afin de garantir qu’ils soient perçus dans le cadre de leurs activités professionnelles comme des journalistes parfaitement impartiaux.


Références

  • Deċiżjoni rigward ilment imressaq mill-Partit Nazzjonalista kontra PBS Ltd rigward il-programm Insights li xxandar fit-22 ta’ Jannar 2021
  • http://www.ba-malta.org/tvm-insights-22-ta-jan-2021
  • Décision relative à une plainte déposée par le Parti nationaliste contre PBS Ltd au sujet de l’émission Insights diffusée le 22 janvier 2021

Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.