Allemagne

[DE] Le Bundesgerichtshof considère que l'utilisation des marques d'ARD est illégale

IRIS 2017-4:1/8

Tobias Raab

Stopp Pick & Kallenborn, Sarrebruck

Dans un arrêt du 26 janvier 2017, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice - BGH) établit que lorsqu'un radiodiffuseur public octroie à un éditeur le droit de publier un ouvrage où figurent les marques protégées dudit radiodiffuseur, on est en présence d'une pratique de concurrence déloyale (affaire I ZR 207 / 14).

Cet arrêt fait suite à une requête en abstention de l'éditeur Bauer contre le radiodiffuseur Südwestrundfunk (SWR) et l'une de ses filiales. La requérante, qui publie notamment des magazines de cuisine et de mode de vie, dénonçait le fait que SWR avait, en tant que (co)-détenteur des marques « ARD Buffet », « ARD » et « Das Erste », accordé à la maison d'édition Burda, par le biais d'une filiale, le droit d'utiliser les marques liées à son émission « ARD Buffet », dans le cadre de la publication du magazine « ARD Buffet - das monatliche Magazin zur erfolgreichen TV-Sendung ». La requérante allègue que les défenderesses violent l'article 11a, paragraphe 1, phrase 2 du Rundfunkstaatsvertrag (traité inter-Länder sur la radiodiffusion - RStV), selon lequel la radiodiffusion publique peut uniquement proposer des ouvrages imprimés qui soient en lien avec ses programmes et dont le contenu fasse référence à ces programmes. Par ailleurs, elle affirme qu'il s'agit d'une régulation du comportement sur le marché au sens visé à l'article 3a de l'UWG et qu'une violation de l'article 11a, paragraphe 1, phrase 2 du RStV est de ce fait anticoncurrentielle. Après avoir été débouté en première instance (Landgericht de Hambourg, jugement du 19 septembre 2011, affaire 315 O 410/10) et en appel (Oberlandesgericht de Hambourg, décision du 15 août 2014, affaire 5 U 229/11), l'éditeur Bauer a obtenu gain de cause en procédure de cassation devant le BGH.

Selon le BGH, l'article 11a, paragraphe 1, phrase 2 du RStV est effectivement une disposition qui vise, entre autres, à réguler le comportement sur le marché dans l'intérêt des acteurs du marché. Une violation de cette disposition peut donc donner lieu à des recours en droit de la concurrence, puisque la norme vise à encadrer le comportement des radiodiffuseurs publics sur le marché de la presse dans l'intérêt des éditeurs. S'il est vrai que SWR n'a pas violé l'interdiction de proposer soi-même des ouvrages imprimés, puisque le magazine « ARD Buffet » est publié par la maison d'édition Burda, il n'en reste pas moins que l'article 11a, paragraphe 1, phrase 2 du RStV comporte l'interdiction à l'égard de la radiodiffusion publique de soutenir toute offre d'ouvrages imprimés par des tiers. Le BGH considère que le libellé de la norme doit notamment être interprété de façon large, en ce sens que dans le cadre des ouvrages imprimés proposés, la radiodiffusion ne saurait interférer dans la liberté de la presse des éditeurs au-delà de ce qui est nécessaire pour accomplir sa mission. Lorsque, comme dans cette affaire, le radiodiffuseur ne propose pas lui-même le magazine, mais en soutient la publication par un tiers, la radiodiffusion intervient dans les rapports de concurrence des éditeurs en procurant un avantage à celui qui a son soutien. Tel est le cas, en l'occurrence, puisque la filiale de SWR avait octroyé à Burda le droit d'utiliser les marques précitées de SWR, alors que la requérante ne disposait pas de tels droits.

Etant donné que la requête en abstention déposée par la requérante n'est pas formulée de façon suffisamment précise, le BGH n'a pas pu trancher définitivement dans cette affaire. Il a donc annulé la décision rendue en appel et renvoyé l'affaire devant l'OLG de Hambourg pour un nouveau procès et une nouvelle décision. L'éditeur Bauer a désormais la possibilité de déposer une requête en abstention formulée suffisamment clairement.


Références


Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.