France
[FR] Le pouvoir de sanction de l’HADOPI censurée par le Conseil constitutionnel
IRIS 2009-7:1/20
Amélie Blocman
Légipresse
Après des mois de controverses, la loi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet » (dite HADOPI), adoptée le 13 mai 2009 à l’issue de débats parlementaires longs et laborieux, a finalement été censurée par le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de l’opposition hostiles au texte.
Rappelons que l’essentiel de la loi est destiné à instaurer une « riposte graduée » au téléchargement illicite d’œuvres sur Internet. A cette fin, le texte a instauré la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), autorité administrative indépendante composée de neuf membres, dotée de pouvoirs d’avertissement et, initialement, de sanction, qui reçoit les saisines d’agents assermentés rattachés aux sociétés de perception et de répartition des droits et du Centre national de la cinématographie.
La loi institue une obligation de vigilance (nouvel article L. 336-3 du CPI), clé de voûte du système envisagé, au terme de laquelle tout abonné à Internet doit veiller à « ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins d’exploitation [d’un œuvre, d’un enregistrement ou d’un programme], sans l’autorisation des titulaires de droits lorsqu’elle est requise ». En cas de non-respect de cette obligation, la loi prévoit la possibilité pour l’HADOPI d’envoyer à l’abonné à Internet, via son FAI, une « recommandation » par courriel lui rappelant son obligation de vigilance et les sanctions encourues. En cas de récidive dans les six mois suivant cet envoi, la Haute autorité peut alors adresser à l’abonné une lettre recommandée dans le même sens. Enfin, si dans l’année suivant cet envoi, l’abonné persiste à méconnaître son obligation de vigilance, la loi prévoyait la possibilité pour l’HADOPI de procéder à « la suspension de l'accès à Internet pour une durée de deux mois à un an assortie de l'impossibilité, pour l'abonné, de souscrire » un contrat auprès d’un autre opérateur.
Or le 10 juin, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnel ce pouvoir de sanction de l’HADOPI (la coupure d’accès), estimant que la liberté de communication et d’expression implique « aujourd’hui, eu égard au développement généralisé d’Internet et à son importance pour la participation de la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, la liberté d’accéder à ces services de communication en ligne ». Ainsi, les pouvoirs de l’HADOPI tels que légiférés pouvaient conduire à restreindre l’exercice, par toute personne, de son droit de s’exprimer et de communiquer librement. La coupure de l’accès à Internet ne peut donc qu’incomber au juge, ont décidé les sages. En outre, la loi prévoyait que seul le titulaire du contrat d’abonnement à Internet pouvait faire l’objet des sanctions instituées, sauf s’il apportait la preuve de la fraude d’un tiers. Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire au principe de présomption d’innocence.
Au final, le retrait de tout pouvoir de sanction à l’HADOPI bat en brèche la logique de « dépénalisation » de la loi souhaitée par le gouvernement. Le texte, amputé de son volet sanction, a été promulgué le 13 juin 2009. La loi devra être complétée afin de « confier au juge le pouvoir de prendre les sanctions appropriées et notamment de décider une suspension temporaire de l'accès à Internet, dont le principe a été validé par le juge constitutionnel », a expliqué la ministre de la Culture. Un nouveau texte devrait donc être inscrit à la session extraordinaire du parlement en juillet. La mise en place de l’HADOPI, désormais exclusivement chargée du « volet préventif et pédagogique » de la lutte contre le piratage en ligne (envoi des messages d’avertissement), se fera « dans les délais prévus », selon la ministre, soit dès septembre 2009.
Références
- Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet
 - http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020735432&dateTexte=&categorieLien=id
 
- Conseil constitutionnel, décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009
 - http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=F9AFBBC5921747192A067FAF4D811E93.tpdjo03v_3?cidTexte=JORFTEXT000020735682&categorieLien=id
 
Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.