France

[FR] Non-respect par Google de ses engagements concernant la mise en œuvre du droit voisin des éditeurs et agences de presse : l’Autorité de la concurrence prononce une sanction de 250 millions d'euro

IRIS 2024-5:1/14

Amélie Blocman

Légipresse

L’Autorité de la concurrence a, le 15 mars dernier, prononcé une sanction de 250 millions d’euros à l’encontre des sociétés Alphabet Inc, Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, pour non-respect des engagements rendus obligatoires par la décision du 22 juin 2022, concernant l’application de la loi du 24 juillet 2019 sur le droit voisin au bénéfice des éditeurs et agences de presse. Il s’agit de la quatrième décision du régulateur de la concurrence depuis sa saisine dans ce contentieux, à la suite de la plainte du SEPM, de l’APIG et de l’AFP, en novembre 2019.

Tout d’abord, l’Autorité considère que Google n’a pas respecté son obligation de négocier une offre de rémunération pour la reprise de contenus de presse protégés sur ses services selon des critères transparents, objectifs, et non-discriminatoires dans un délai de trois mois. Ensuite, l’Autorité considère que Google a réduit l’assiette des rémunérations, contrevenant ainsi aux principes de la décision précitée de 2022, en ce que la firme a sous-évalué les revenus indirects résultant de l’attractivité apportée à ses services par l’affichage de contenus de presse protégés. D’autre part, Google a exclu toute forme de rémunération pour l’affichage de titres d’articles de presse, ce qui n’est pas conforme aux décisions antérieures de l’Autorité, et à la jurisprudence de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020. L’Autorité relève par ailleurs que Google n’a donné aucune traduction contractuelle à l’engagement de mise à jour de la rémunération et, le cas échéant, de régularisation de celle-ci dans la majorité des contrats signés avec les éditeurs depuis l’entrée en vigueur des engagements, ou uniquement de manière partielle.

En ce qui concerne le service d’intelligence artificielle « Bard » lancé par Google en juillet 2023 (devenu « Gemini »), l’Autorité a en particulier constaté que celui-ci avait utilisé aux fins d’entraînement de son modèle fondateur des contenus des éditeurs et agences de presse, sans avertir ces derniers ou l’Autorité, enfreignant ainsi l’engagement n° 1 au terme duquel Google s’est engagé à négocier de bonne foi, sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires, la rémunération des éditeurs pour toute reprise de contenus protégés sur ses produits et services, au titre du droit voisin. La question de savoir si l’utilisation de publications de presse dans le cadre d’un service d’intelligence artificielle relève de la protection au titre de la règlementation des droits voisins n’a toutefois pas été tranchée à ce stade. Google a en outre lié l’utilisation des contenus des éditeurs et agences de presse par son service d’intelligence artificielle à l’affichage des contenus protégés,, obérant ainsi la capacité des éditeurs et agences de presse à négocier une rémunération, en ne proposant pas de solution technique leur permettant de s’opposer à l’utilisation de leur contenu par « Bard » (« opt-out ») sans affecter l’affichage des contenus protégés au titre des droits voisins sur les autres services de Google. À l’avenir, l’Autorité a annoncé qu’elle serait particulièrement attentive à l’effectivité des mécanismes d’opt-out mis en place par Google.

Google a présenté une série de mesures correctives visant à répondre aux violations identifiées, dont l’Autorité a pris acte.


Références


Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.