Allemagne

[DE] La ZAK prend des mesures de fond à l’égard des « nouveaux » acteurs des médias

IRIS 2024-5:1/23

Christina Etteldorf

Institut du droit européen des médias

La Kommission für Zulassung und Aufsicht (commission d’agrément et de contrôle - ZAK) des Landesmedienanstalten (offices régionaux des médias - LMA), organe central de régulation des médias en Allemagne chargé notamment de la régulation des plateformes à l’échelle nationale, a pris en mars 2024 deux décisions notables concernant la transmission de contenus des médias par les nouveaux acteurs des médias. La première concerne les systèmes de divertissement embarqués, qui seront à l’avenir soumis à la réglementation allemande encadrant les médias, en particulier aux dispositions du règlement Public Value. La seconde concerne une violation des règles de non-discrimination par le service News Showcase de Google, à laquelle le groupe américain doit mettre un terme dans un délai de trois mois.

Lors de sa réunion de mars, la ZAK a qualifié les systèmes de divertissement embarqués d’Audi, BMW/ Mini et Tesla d’« interfaces utilisateur » au sens du Medienstaatsvertrag (traité inter-Länder sur les médias - MStV). En vertu de la définition de l’article 2, paragraphe 2, n° 15 du MStV, une interface utilisateur est un télémédia qui présente de façon textuelle, visuelle ou sonore des offres ou des contenus d’une ou plusieurs plateformes de médias, qui sert à orienter l’utilisateur et permet une sélection directe d’offres, de contenus ou d’applications basées sur des logiciels en vue de l’activation directe des services de radiodiffusion, de services de télémédias de type radiodiffusion ou de services similaires à la presse. Depuis 2020, les services de ce type sont soumis à de nouvelles dispositions relevant du droit allemand des médias. Outre une obligation générale de déclaration de leurs services, ils sont notamment tenus de garantir l’intégrité du signal des contenus audiovisuels, avec interdiction de superposition de bandeaux et de toute modification, et de publier en toute transparence les modalités de sélection, de présentation et d’organisation de ces contenus. La classification de ces services en tant qu’interfaces utilisateur signifie également que lesdits systèmes de divertissement embarqués seront désormais soumis à des dispositions spéciales en matière de visibilité des contenus (audiovisuels, audio ou textuels) de fournisseurs de médias transmis par leurs soins. Les offres de médias qui présentent un intérêt public particulier (« Public Value ») doivent être faciles à trouver dans les systèmes de divertissement. Par ailleurs, le système de Tesla a été qualifié non seulement d’interface utilisateur, mais aussi de « plateforme de médias », c’est-à-dire un télémédia qui regroupe en une offre globale des services de radiodiffusion, des services de type radiodiffusion et des services similaires à la presse. Ces services sont soumis à des dispositions supplémentaires issues du MStV, notamment en ce qui concerne l’affectation, l’accès et les modalités d’accès des plateformes médiatiques.

Lors de sa réunion de mars, la ZAK a également pris des mesures dans le cadre d’une enquête sur le service News Showcase de Google. Dans le cadre de cette offre, lancée en Allemagne en 2020, les éditeurs et éditeurs en ligne participants peuvent publier des contenus sur Google News et Discover sous forme de pavés, tout en gardant le contrôle de la présentation de leurs articles. La participation au service est toutefois soumise à certains critères établis par Google. En Allemagne, ces critères portent notamment sur le nombre de visites et le niveau d’audience, le respect de principes journalistiques reconnus et (à titre indicatif, sans obligation) l’adhésion à une association du secteur de l’information. L’enquête menée par les LMA fait suite à la plainte d’une petite maison d’édition dont la participation à Showcase a été refusée par Google en raison d’une audience trop faible. La ZAK a pu établir à cette occasion que Google enfreignait l’interdiction de discrimination imposée aux intermédiaires des médias au titre du MStV. En vertu de l’article 94 du MStV, les intermédiaires des médias ne sauraient discriminer, sans motif objectivement légitime, les offres journalistiques et éditoriales sur la visibilité desquelles ils exercent une influence particulièrement forte. Or, l’audience (trop faible) d’une offre n’est pas un motif légitime et cette pratique a pour conséquence que les petits et nouveaux fournisseurs n’ont aucune chance d’accès réaliste, alors que ce sont justement ces offres-là qui sont tributaires de l’amplification du nombre de destinataires par le biais d’intermédiaires (plus importants). La ZAK demande donc à Google de modifier son offre - le groupe américain dispose de trois mois pour présenter un catalogue de critères remanié avant qu’une décision finale soit prise.

Les dispositions susmentionnées du MStV ont été instaurées d’une manière générale pour garantir la diversité qui, selon l’appréciation du législateur, doit être assurée non seulement au sein des offres de médias classiques, mais aussi des nouveaux services des intermédiaires. Les décisions de la ZAK constituent donc une réponse déterminante aux nouveaux modes de consommation des médias.


Références



Cet article a été publié dans IRIS Observations juridiques de l'Observatoire européen de l'audiovisuel.